NUTRI ÉCOLOGIE
Christian Rémésy, "paysan-chercheur" et nutritionniste publie La nutriécologie, un essai dans lequel il montre comment associer nutrition équilibrée et pratiques agro-alimentaires responsables. C'est pour lui « le seul futur alimentaire possible ». Voici comment chacun peut mettre en œuvre à sa mesure cette nouvelle discipline qui concilie enjeux nutritionnels et écologiques.
« La nutriécologie » titre de ce nouvel essai est « une gestion commune, par l’alimentation, de la santé de l’homme et de la planète ». Pour son concepteur, Christian Rémésy, ancien directeur de recherche en nutrition à l’Inra, la meilleure façon de bien se nourrir est aussi la plus efficace pour protéger la planète. Ce qui, « dans ce contexte de crise écologique est une excellente nouvelle qui devrait nous aider à entrer dans une ère alimentaire nouvelle » souligne-t-il.
Dans ce livre, Christian Rémésy établit une charte de la nutriécologie. Elle s’adresse aux nombreux acteurs du nouveau système alimentaire auquel aspire le chercheur.
Voici 10 commandements de la nutriécologie, inspirés de cette charte.
(publié sur la nutrition.fr)
Citoyen .....
- Tu t’informeras sur la qualité et l’origine des produits
Les citoyens ont le devoir de « soutenir une chaîne alimentaire écologique » en faisant vivre une agriculture de proximité conforme aux bases de l’agriculture biologique et de l’agroécologie. La nature de leurs achats alimentaires est un vrai geste politique.
- Tu deviendras éco-végétarien
Pour Christian Rémésy, la consommation d’aliments d’origine animale doit représenter seulement 15% des apports caloriques quotidiens alors que le reste de l’assiette est composé de végétaux avec une grande part de légumes et de fruits. La nutriécologie préconise d'ailleurs de doubler notre consommation de légumes et fruits.
- Tu privilégieras les féculents de bonne qualité plutôt que les produits ultra-transformés du commerce
Les féculents – les céréales complètes, le pain au levain et les légumes secs – « sont les champions de l’équilibre nutritionnel et de la biodiversité du microbiote » pour le paysan-chercheur. C’est pour cela qu’on doit leur redonner une place importante dans l’alimentation. Cependant, leur mode de production et de fabrication doit être entièrement repensé. Sans raffinage et sans pesticides, ils seront le pilier de l’alimentation de demain. La nutriécologie remet à l'honneur l'intérêt des plats traditionnels mélangeant céréales et légumineuses comme l'association riz-lentilles en Inde ou semoule-pois chiches en Afrique du Nord.
Producteur .....
- Tu seras le garant de la nutriécologie depuis les champs
L’agriculture doit être la garante de la biodiversité en développant l’agriculture biologique et l’agroécologie (afin de réduire l'utilisation des pesticides, des engrais azotés et des énergies fossiles), tout en abandonnant l’élevage intensif. C'est le meilleur moyen pour l'agriculteur de non seulement gagner sa vie mais aussi de retrouver du sens dans ce qu'il fait. Et avec la nutriécologie, finis les mornes campagnes alignant des champs de monocultures, sans arbres ni bosquets, à perte de vue.
- Tu devras garantir plus que la simple qualité toxicologique de tes produits
Les unités de production agricole doivent bénéficier, en plus d’une expertise toxicologique, d’une expertise écologique (pour évaluer les émissions de gaz à effet de serre, la santé des sols, les dépenses en eau...), sociale (pour évaluer la participation au maintien des emplois et à la vie du territoire), et nutritionnelle afin d’évaluer leurs droits aux subventions.
Industriel .....
- Tu ne transformeras les produits que pour optimiser leur valeur nutritionnelle
L’industrie agroalimentaire devrait être en possession d’une guide des bonnes pratiques pour les transformations alimentaires « en vue d’optimiser la valeur nutritionnelle, de préserver les matrices alimentaires, de lutter contre le raffinage, l’ajout de calories vides » (tels que le sucre, les additifs, les huiles raffinées, et le cracking des matières premières). En utiliser des techniques de transformation des aliments plus douce qui décuplent leurs bienfaits telles que la fermentation, la germination…
Distributeur ....
- Tu soutiendras l’économie locale
Le secteur de la distribution alimentaire doit donner la priorité « aux approvisionnements de proximité pour limiter les transports et soutenir l’économie locale » afin de participer à la résilience des territoires alimentaires.
- Tu réorganiseras le parcours clients
Afin que le consommateur fasse des choix éclairés, le bloc principal des magasins devra être représenté par les aliments végétaux. Quant aux aliments ultra-transformés « ils devraient être mieux identifiés (…) et rangés séparément dans les supermarchés de façon à limiter leur contribution calorique à moins de 10 % des besoins caloriques totaux ». Notez que les magasins bio sont à ce jour trop semblables aux grandes surfaces avec un assortiment de produits ultra-transformés trop important, disposé parmi les aliments bruts.
Représentant politique ......
- Tu prendras en compte les paramètres environnementaux dans la fixation des besoins de la population
« Les recommandations alimentaires ne doivent plus seulement se concentrer sur les apports nutritionnels conseillés » mais aussi sur les modes alimentaires à privilégier (local, respectueux de l’environnement, vrac, variétés anciennes…). Par exemple, conseiller d'atteindre une consommation suffisante de fibres avec des légumes sans préciser qu'ils ne doivent pas être hors saison, produits sous serre, arrosés de pesticides et d'engrais est tout à fait incohérent. Pourtant dans le PNNS 4 lancé en 2019, ces précisions ne sont toujours pas apportées.
- Tu enseigneras la nutriécologie par le biais des instances publiques
La nutriécologie devrait être enseignée à l’école ainsi que dans l’enseignement supérieur. La restauration collective peut et doit servir de base pour sa mise en œuvre. De même, les collectivités territoriales devraient mettre des espaces de jardinage à disposition des citoyens.