La Présence thérapeutique
Selon l'EDLPJ (Thierry Janssen ) https://edlpj.org/
À la fin de sa vie, le psychologue américain Carl Rogers – pionnier de la psychologie humaniste et inventeur de l’approche centrée sur la personne – confia dans une interview : « J’ai tendance à penser que, dans mes écrits, j’ai trop insisté sur les trois conditions de base de la thérapie que sont la congruence du thérapeute, son regard inconditionnellement positif sur le client et sa capacité d’empathie. Il existe peut-être quelque chose qui englobe et dépasse ces trois conditions, quelque chose qui est véritablement l’élément le plus important de la thérapie – lorsque je suis clairement et manifestement présent. » Rogers a donc entrevu l’importance de la présence en thérapie. De plus en plus de psychothérapeutes sont convaincus du rôle déterminant de cette qualité d’être ; et de nombreuses études montrent que le succès de n’importe quelle psychothérapie dépend davantage de la capacité du thérapeute a être pleinement présent que de la méthode thérapeutique employée par celui-ci.
Les psychologues américains Shari Geller et Leslie Greenberg définissent la présence thérapeutique comme « un état de réceptivité qui implique une ouverture totale au monde intérieur multidimensionnel du client rencontré en psychothérapie, notamment via son expression verbale et corporelle, en même temps qu’une ouverture du thérapeute à sa propre expérience corporelle dans l’instant, afin de pouvoir accéder à la connaissance, à la compétence et à la sagesse qui se manifestent à travers ce vécu corporel ». Ils insistent sur le fait que « cela demande d’être en contact avec l’entièreté de soi, tout en étant ouvert et réceptif à ce qui est poignant dans le moment présent, et de s’immerger dans cette expérience avec un sens élargi de l’espace et une expansion de l’attention et de la perception ». Et ils ajoutent que « cet état de conscience ancré, immergé et expansé est accompagné de l’intention d’être avec et pour le client, au service de son processus thérapeutique ». (Geller S.M., Greenberg L.S., Therapeutic Presence : A Mindful Approach to Effective Therapy, Washington DC, American Psychological Association, 2012, p.7)
À l’EDLPJ, nous appelons « présence thérapeutique » la qualité d’être qui permet de se rencontrer soi-même et de rencontrer l’autre, dans l’entièreté de ce que nous sommes, sans jugement, en manifestant l’acceptation inconditionnelle qui permet d’abandonner les défenses névrotiques de nos moi respectifs pour accéder au silence et à la paix de notre essence commune – le Soi. Lorsque cette qualité de présence est manifestée par un psychothérapeute, elle aide le patient à entrer dans le processus thérapeutique qui mène à la prise de conscience et à l’abandon des défenses de son moi, ainsi qu’à la découverte et à l’actualisation des ressources du Soi. Toutefois, nous considérons qu’il n’est pas nécessaire de se retrouver face à un patient dans le cadre d’une consultation de psychothérapie pour faire de notre présence un outil de transformation et de guérison. Notre présence peut se réveler tout aussi apaisante et épanouissante, tant pour nous-même que pour autrui, dans l’ensemble de nos relations sentimentales, amicales, familiales ou professionnelles.
Utilisée dans un contexte médical, la présence du soignant réveille des ressources d’autoguérison chez le soigné. Car le silence et la paix du Soi remettent ce dernier en contact avec la source de sa vitalité. Tout simplement parce que la détente créée par le système nerveux parasympathique déclenche les mécanismes de récupération, de réparation et de régénération de l’organisme. Les sentiments de joie et d’enthousiasme associés à l’activité parasympathique (elle-même liée à l’activation du cortex préfrontal gauche du cerveau) traduisent cette vitalité retrouvée. Par ailleurs, le non-jugement, la bienveillance et la confiance réciproque qui s’instaure dans la présence, permet une communication plus efficace entre le soigné et le soignant, une meilleure adhésion du soigné aux traitements proposés et l’apparition de meilleurs résultats thérapeutiques.
En outre, la présence à soi et à l’autre favorise l’intuition, l’empathie et la résonance empathique – voire même la résonance énergétique. La posture juste (ancrée, redressée et remplie, ouverte, centrée, fluide) qu’elle permet d’adopter crée alors un champ d’énergie et d’information favorable pour une rencontre au plus haut niveau d’humanité – une rencontre de Soi à Soi, à l’essentiel, en contact avec ce qui rend éminemment vivant.
La posture juste
D'après l'école de la Posture juste (Thierry Janssen) https://edlpj.org/
La présence à soi et à l’autre est un état d’observation et d’écoute silencieuse, au-delà de la pensée, durant lequel le sentiment d’être un moi séparé s’évanouit pour laisser la place à l’expérience non-duelle d’être le Soi commun à tous les êtres humains, l’Essence paisible et silencieuse partagée par tous les êtres vivants. Automatiquement, les peurs et les défenses névrotiques de notre personnalité disparaissent, remplacées par la confiance et la bienveillance. Il est alors plus facile de rester dans la posture neutre et apaisée que nous appelons la posture juste – une qualité d’être, tant sur le plan physique, émotionnel et intellectuel, débarrassée de toutes réactions névrotiques, permettant d’exprimer des réponses justes, respectueuses de l’équilibre et de l’harmonie nécessaire pour que la vie puisse s’épanouir pleinement.
Un bon moyen de comprendre cette posture juste est de se pencher sur les travaux de Wilhelm Reich et d’Alexander Lowen – les pionniers des psychothérapies psycho-corporelles. Dans son Analyse des caractères, publiée en 1933, Wilhelm Reich explique comment les traumatismes émotionnels de l’enfance et les grandes peurs existentielles associées à ces traumatismes, engendrent des tensions corporelles qui, à force de se répéter, finissent par déformer le corps. Il explique que la contention physique ainsi produite permet de diminuer la perception désagréable des émotions liées au traumatisme vécu par l’individu. En soi, ce mécanisme de défense est plutôt positif car un ressenti trop vif des émotions empêcherait l’individu de réagir de façon suffisamment efficace pour assurer sa survie. Cependant, Reich montre que la logique névrotique recrée à la fois le traumatisme émotionnel que l’on cherche à éviter et la défense corporelle susceptible de diminuer la perception de la souffrance provoquée par ce traumatisme. Il décrit comment chaque blessure émotionnelle entraîne des tensions et des déformations corporelles bien spécifiques. Ces « armures caractérielles », comme il les appelle, lui permettent d’identifier des types morphologiques révélateurs des traumatismes émotionnels à l’origine de chaque type de névrose. Et, fort de son expérience de psychanalyste, il constate que le relâchement des tensions corporelles libère les informations émotionnelles qui y sont associées et, automatiquement, réinforme le schéma des pensées ; il s’en suit une véritable guérison émotionnelle, l’abandon de la défense corporelle et la fin de la logique névrotique qui recréait le traumatisme de départ. Sur base de ces constatations, Reich a proposé une approche thérapeutique – la végétothérapie – destinée à libérer les zones de contention émotionnelle à l’aide de mouvements, de pressions, de massages et d’exercices respiratoires. Comme son nom l’indique, la végétothérapie agit sur le système nerveux autonome (aussi appelé « végétatif ») en corrigeant le déséquilibre entre la tension sympathique et le relâchement parasympathique. Très souvent, au cours des séances, le relâchement des tensions corporelles s’accompagne de puissantes décharges émotionnelles : des convulsions et des tremblements se répandent à travers tout le corps ; des larmes se mettent à couler et des sanglots ne peuvent pas être réprimés ; l’énergie contenue dans les contractures est libérée et une profonde sensation de bien-être envahit le patient. Reich compare le plaisir éprouvé à celui de l’orgasme.
Dans les années 1950, Alexander Lowen et John Pierrakos – deux médecins, anciens patients et élèves de Reich – ont traduit le concept des armures caractérielles en termes de blocages énergétiques. L’« analyse bioénergétique » qu’ils ont proposé comporte une lecture reichienne du corps, l’examen du vécu du patient et une série d’exercices physiques et respiratoires destinés à libérer l’énergie contenue dans les contractures corporelles. Ici, aussi, la libération de certaines tensions corporelles peut s’accompagner de fortes décharges émotionnelles. Les patients pleurent, crient, frappent des poings sur un coussin, d’une façon totalement spontanée sans pouvoir contrôler leur catharsis. Du point de vue d’un spectateur qui n’a jamais fait ce genre d’expérience, de telles manifestations peuvent paraître fabriquées. Cependant, malgré leur caractère spectaculaire, ces décharges émotionnelles sont bien réelles, authentiques et totalement irrépressibles. Le relâchement physique et l’apaisement mental qui s’en suivent sont profonds et durables. La transformation est, en fait, une guérison.
On pourrait dire que la libération des tensions corporelles aident le moi névrotique – l’ego – à guérir ses blessures émotionnelles ; et que l’énergie ainsi remise en circulation permet à l’individu d’expérimenter la pleine vitalité du Soi apaisé – l’Essence de l’être, qui est la source de sa créativité, la possibilité d’inventer un futur où les blessures du passé ne se répéteront pas. Le fait de vivre cette transformation à un niveau énergétique, à travers les émotions vécues en conscience dans le corps, est une formidable initiation pour développer plus de présence à soi, plus de présence au Soi – plus de présence à l’Essence, plus de contact avec l’essentiel.
Si l’on reprend les observations de Wilhelm Reich et d’Alexander Lowen, on constate que les différents types d’armures caractérielles ou de blocages énergétiques qu’ils ont identifiés, génèrent des postures corporelles bien spécifiques. Chacune de ces postures expriment parfaitement la nature de la défense névrotique à l’origine de l’apparition de l’armure caractérielle ou du blocage énergétique concerné. Le corps se révèle donc être le lieu d’un langage que nous pouvons apprendre à décoder. Pour nous y aider, Reich et Lowen ont décrit cinq grands types de caractères qui constituent cinq grandes défenses du moi – cinq névroses associées à cinq traumatismes émotionnels en lien avec cinq grandes peurs existentielles – à l’origine de cinq types de postures physiques, émotionnelles et intellectuelles :
- la posture schizoide naît de la peur d’être rejeté ou de ne pas pouvoir trouver sa place dans un environnement jugé hostile ; elle est associée à une stratégie de fuite et d’évitement et, au bout du compte, recrée exactement l’impossibilité de trouver sa place
- la posture orale naît de la peur d’être abandonné ; elle est associée à une réaction de collapsus avec l’impression d’être vide et incapable de se suffire à soi-même ; elle entraîne donc de l’attachement et de la dépendance vis-à-vis autrui et, finalement, elle empêche de se sentir rempli de soi et capable d’autonomie
- la posture masochiste naît de la peur d’être humilié et contraint de faire ce que l’on ne désire pas ; elle est associée à une stratégie de fermeture et de repli sur soi qui, très rapidement, expose au risque d’être humilié à nouveau puisque, en se cachant, on ne montre pas aux autres les limites qu’ils devraient respecter
- la posture psychopathe et narcissique naît de la peur d’être contrarié dans sa volonté de toute-puissance, d’être trahi ou manipulé et de perdre le contrôle ; elle favorise l’élaboration d’une stratégie de contrôle par la séduction ou par l’agression qui, inévitablement, finit par provoquer le sentiment redouté de perdre le contrôle puisque, tôt ou tard, les autres tentent d’échapper à l’emprise que l’on cherche à exercer sur eux
- la posture rigide naît de la peur de ne pas être accepté tel que l’on est et de ne pas pouvoir être spontané et authentique ; du coup, elle est associée à une stratégie de répression émotionnelle dans un corps rigidifié par des tensions et des crispations qui empêchent, malheureusement, toute spontanéité et toute authenticité
Nous avons tous été confrontés aux mêmes peurs, en fonction d’une chronologie précise liée à la succession des différentes étapes de notre développement. Nous avons donc tous adopté et expérimenté les différentes postures névrotiques décrites par Reich et Lowen. Toutefois, chacun d’entre nous a plus ou moins misé sur l’une ou l’autre de ces stratégies d’adaptation car, à chaque étape de notre développement individuel, nous avons rencontré de plus ou moins grandes difficultés. Ce que nous appelons notre « caractère » apparaît donc comme la somme de toutes les postures névrotiques assemblées selon des proportions variables, et pouvant être adoptées en alternance selon les circonstances.
Reich et Lowen ont montré que, de la même façon qu’un sourire imprimé sur notre visage peut changer nos émotions et la manière dont nous pensons, les postures de notre corps peuvent modifier nos intentions et notre façon répondre aux situations. Il n’est donc pas nécessaire de réfléchir très longtemps aux causes de nos névroses pour déjouer le piège dans lequel nos différentes peurs nous entraînent. Il suffit de prendre conscience de la posture physique engendrée par chacune de nos stratégies défensives et de décider de l’abandonner pour revenir à une posture neutre, ni offensive, ni défensive. Dès que nous sommes conscient de l’une de nos postures corporelles, dans l’instant, nous pouvons la transformer pour revenir à la posture juste. Cet ajustement produira des effets instantanés tant au niveau émotionnel qu’au niveau intellectuel.
Le mot ajustement décrit parfaitement ce qui se passe dans la réalité. Car il serait faux de croire que la correction opérée se maintient définitivement. Quelle que soit la situation à laquelle nous sommes confronté, quelle que soit la personne avec laquelle nous sommes en relation, nos peurs se réactivent sans cesse et les stratégies de défenses du moi se remettent en place automatiquement. Il faut donc de la vigilance – de la présence au Soi – pour ajuster notre posture, un instant après l’autre. Si l’on reprend les différentes postures névrotiques décrites par Reich et par Lowen, on constate que les ajustements nécessaires pour passer d’une stratégie offensive ou défensive à un position neutre consistent à transformer :
- la fuite (schizoïde) en ancrage
- le collapsus (oral) en redressement et en remplissage depuis l’intérieur de soi
- la fermeture et la contention (masochiste) en ouverture
- le contrôle (psychopathe) sur monde extérieur en centrage
- la tension et la raideur (rigide) en souplesse et en fluidité
La posture juste consiste donc à être ancré dans la réalité du présent, relié au noyau profond qu’est le Soi, les deux pieds bien sur terre ; redressé et rempli de la vitalité du Soi, sans dépendre d’autrui ; ouvert tout en restant centré, sans avoir besoin de contrôler le monde autour de nous ; et suffisamment souple pour nous adapter à ce qui est, car nous sommes apaisé et relié à l’essentiel. Cette posture est exactement celle que les taoïstes appellent wu wei (le « non-agir » qui est un non-réagir) ou wu ji (la vacuité absolue, l’unité primordiale, le réservoir de tous les potentiels, qui se manifeste à travers la dualité yin et yang du tai ji).
De ce point de vue le qigong et les arts martiaux internes chinois (comme le taijiquan et le bagua zhang) permettent d’apprendre à percevoir les mouvements qui éloignent ou, au contraire, qui rapprochent de la posture idéale. Chacun de ces mouvements traduit une intention et est animé par une force – une énergie – qui détermine une action. On constate alors qu’il existe six mouvements énergétiques différents :
- s’extraire, se retirer, s’absenter, s’enfuir, disparaître (défense schizoïde)
- faire venir à soi, tirer, aspirer, prendre et se nourrir (défense orale)
- fermer, contenir, cacher (défense masochiste)
- aller vers, donner, pousser, envahir, contrôler (défense psychopathe)
- bloquer, figer (défense rigide)
- laisser faire, lâcher prise, débloquer, ouvrir, permettre (pour un retour à la posture apaisée et non défendue)
Plus on est présent à soi, plus il est facile de percevoir ces mouvements énergétiques à l’intérieur de soi. Plus on est présent à l’autre, plus il devient aisé de les détecter chez lui aussi. Les positions et les gestes que l’autre imprime à son corps, l’expression de ses yeux, le ton de sa voix, le contenu de son discours. Toutes ces informations renseignent sur la posture plus ou moins défensive de la personne avec laquelle nous sommes en relation. De plus, par résonance empathique, nous pouvons parfois percevoir à travers notre propre corps, les mouvements énergétiques qui se produisent dans le corps de l’autre. L’enjeu est alors de maintenir notre posture apaisée (ancrée, redressée, remplie, ouverte, centrée et souple) pour éviter de réagir de façon conditionnée en adoptant à notre tour une posture défensive. Car celle-ci ne ferait qu’entretenir une dynamique énergétique malsaine entre nous et l’autre.
Maintenir la posture juste face à la posture névrotique d’autrui n’est pas facile. Et pour cause : la plupart du temps, la posture névrotique de l’un induit chez l’autre une réaction opposée et tout aussi névrotique. Les dynamiques relationnelles malsaines sont donc fréquentes et variées. Elles constituent le quotidien des rapports humains. Ainsi, par exemple, il suffit que l’un des protagonistes pousse vers l’autre avec l’intention d’envahir son espace intime ou de le contrôler, pour que celui-ci réagisse en poussant à son tour (ce qui déclenche un conflit), en se fermant (ce qui bloque la relation), ou en prenant la fuite (ce qui met fin à la relation). L’inverse se produit souvent également : l’un des protagonistes a tendance à s’extraire de la relation, l’autre réagit en envahissant l’espace laissé libre par le premier (ce qui incite ce dernier à fuir davantage), ou en se fermant (ce qui finit par rompre le lien entre les deux). Autre cas de figure : l’une des deux personnes en relation aspire l’énergie de l’autre pour combler une impression de vide au fond d’elle-même, l’autre réagit en s’éloignant (ce qui accentue la sensation de manque et le désarroi de la première), en se fermant (ce qui incite la première à envahir son espace intime afin de pouvoir continuer à accaparer son attention et, ainsi, de lui prendre de l’énergie), ou en se laissant faire (ce qui finit par l’épuiser et, au bout du compte, l’oblige de mettre un terme brutal à la relation).
Attraction, séduction, manipulation, tentative de contrôle, agression, domination, soumission, dépendance, repli sur soi, fuite, répulsion. Peur d’être rejeté, abandonné, humilié, trahi, jugé. Attentes, frustrations, déceptions. Les grands thèmes de la tragédie humaine sont rejoués de manière répétitive. Non conscient des traumatismes à l’origine des dynamiques relationnelles névrotiques dans lesquelles nous sommes engagés, nous réagissons de façon conditionnée et, très souvent, nous recréons, chez nous-mêmes et chez autrui, les traumatismes à éviter ; nous sommes donc condamnés à nous faire subir, les uns et les autres, la souffrance générée par nos réactions automatiques. La seule façon de mettre un terme à ce cercle vicieux est de devenir présent à nous-même et à l’autre, de nous désidentifier de notre moi et de laisser le Soi (la pure conscience) nous guider pour adopter la posture juste qui ne réactive aucune blessure du passé, ni chez nous, ni chez l’autre. D’un point de vue énergétique, cette posture ne produit aucun mouvement en nous, elle est calme, ancrée, centrée, ouverte et fluide ; elle induit donc peu de réactions névrotiques chez l’autre et, de ce fait, elle lui permet, à son tour, de s’apaiser, de s’ancrer, de se centrer, de s’ouvrir et de s’assouplir. Nous co-créons alors une relation de partage, de respect et de confiance – une vraie relation d’amour.
Il est important de se rendre que, des deux protagonistes engagés dans la relation, c’est toujours celui qui est le plus présent à lui-même, qui devrait faire l’effort d’adopter la posture susceptible d’induire cette co-création vertueuse. En d’autres mots : c’est toujours le plus conscient des deux qui doit arrêter de simplement réagir de façon névrotique pour commencer à répondre d’une manière ajustée et thérapeutique, que cela soit dans un cabinet de psychothérapie, au chevet d’un malade à l’hôpital, ou dans la vie de tous les jours, dans n’importe quel type de relation humaine, dans n’importe quelle circonstance. Dit autrement encore : c’est le plus éveillé des deux qui a la responsabilité de faire évoluer la relation vers la guérison (le mot « respons-abilité » ne signifie-t-il pas que l’on est habilité à répondre en conscience, au lieu de simplement réagir de manière conditionnée ?).
Dans l’expérience de ceux qui la pratiquent, la posture juste permet de déjouer les stratégies névrotiques des personnes qui ne sont pas encore capables d’adopter cette posture idéale. Elle est efficace pour induire chez autrui l’apaisement nécessaire à la prise de conscience de ses traumatismes du passé et à l’abandon de ses défenses du présent. Cette induction se produit à la fois par mimétisme mais aussi par le phénomène de résonance empathique – véritable résonance énergétique – entre nous et l’autre. Cependant, chacune des postures névrotiques auxquelles nous avons affaire induit chez nous une réaction qui varie en fonction de nos propres traumatismes du passé. Les ajustements que nous devons effectuer pour maintenir ou pour retrouver notre posture juste doivent donc être adaptés d’une relation à l’autre, et même d’un instant à l’autre. Cela demande une grande vigilance, une grande présence à soi et à l’autre, une réelle présence au Soi.